Modèles de Structures Aléatoires de Type Réaction-Diffusion - Thèse de Morphologie Mathématique - Luc Decker, Ecole des Mines de Paris (1999)

2.1 Modélisation de milieux aléatoires
polycristallins

On s'intéresse à une catégorie de matériaux constitués d'une population de grains jointifs. Pour prendre en compte l'hétérogénéité de telles structures, il est indispensable de faire appel à un modèle aléatoire. Le modèle des polyèdres aléatoires de Voronoï s'avère bien adapté [Gilbert62]; d'une part pour des raisons géométriques: les frontières planes entre grains sont respectées. D'autre part, il permet de reproduire la morphogénèse des matériaux, qui est de type germination-croissance. Un modèle plus général apte à reproduire des phénomènes de germination et de croissance est le modèle de Johnson-Mehl [Johnson39]. Il peut être construit en modifiant légèrement l'algorithme présenté ici.

Plus formellement, les polyèdres aléatoires de Voronoï peuvent être définis en tant que zones d'influence d'un ensemble de points aléatoires particuliers, qui correspondent à leur centres. Soit $ D \subset {\rm I\hspace{-0.65ex}R}^{3}$ un domaine réel, et $ E = \{ \ A_{i} \ \}$ un ensemble de $ N$ points aléatoires distincts tels que $ A_{i} \in D$. Si $ d(P_{1},P_{2})$ est la distance euclidienne entre deux points quelconques $ P_{1}$ et $ P_{2}$, la zone d'influence de l'un des centres $ A_{i}$ est définie par

$\displaystyle iz(A_{i}) = \{ \ P(x,y,z) \ \in \ D \ \ \vert \ d(P,\ A_{i}) \ < \ d(P,\ A_{j}) \ \ \forall j \neq i\ \}$ (I.-4)

En termes plus physiques, un point appartient à la zone d'influence d'un germe $ A_{i}$ s'il est plus proche de $ A_{i}$ que de tout autre germe. Par construction, cette zone d'influence décrit le volume du polyèdre de Voronoï centré en $ A_{i}$. L'ensemble des zones d'influence $ \{ iz(A_{i}) \}$ forme une réalisation d'une partition aléatoire du domaine $ D$ en $ N$ régions, chaque centre $ A_{i}$ étant le germe d'une région.

Les centres des polyèdres résultent en général d'une simulation de points poissonniens : leur répartition est uniforme à l'intérieur du domaine $ D$. Mais d'autres modes de répartition sont également envisageables, comme nous le présenterons plus loin.

Les polyèdres sont classiquement déterminés à partir de leurs frontières (ou faces), qui résultent des intersections des plans médiateurs associés à tous les couples de centres ( $ A_{i},A_{j}$) qui sont proches voisins. Mais la recherche des polyèdres qui possèdent une face commune revient à résoudre le problème dual du graphe de Delaunay qui relie le centre d'un polyèdre aux centres de ses voisins. A trois dimensions, la résolution analytique du problème s'avère impossible dès que le nombre $ N$ de grains dépasse quelques centaines, pour des raisons de précision et de temps de calcul lié à la combinatoire. C'est pourquoi nous avons été amenés à étudier une autre approche.



Decker, Luc. "Modèles de structures aléatoires de type réaction-diffusion". PhD diss. (191 p.), Paris, ENSMP-CMM, 1999.
Luc Decker   luc@texrd.com   www.texrd.com  -  Mars 1999   Licence Creative Commons